UNE ATTAQUE RAPIDE ET SANS PRÉCÉDENT DU PRIVÉ CONTRE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC A CERGY-PONTOISE : Le Projet I-SITE, la privatisation de l’avenir des jeunes … « en marche ».
À la dernière réunion multi-groupes d’appui au café Colombia (réunions qui ont lieux les samedis matins) j’ai abordé un sujet important qu’on m’a demandé de résumer et de partager avec vous.
Dans un contexte d’attaque sans précédent contre notre modèle d’éducation j’ai en effet eu vent des détails d’un projet de fusion des universités et écoles d’ingénieurs de Cergy-Pontoise. Ces détails, choquants, ont été révélés par un syndicat éducatif de l’ENSEA (le SNESUP) qui a réussi à mettre la main sur ces documents en saisissant la « Haute Autorité pour la Transparence ».

Ces documents révèlent une prise de pouvoir, un « putsch » très rapide, d’instances privées, notamment liées à l’école de commerce ESSEC, sur l’éducation publique de Cergy-Pontoise. Le tout avec la bénédiction du gouvernement et sous l’égide de directions dont la neutralité politique est douteuse. Nous allons assister ainsi dès 2018 à un chamboulement sans précédent de l’enseignement à Cergy-Pontoise. Tout ceci ce faisant en ignorant le bien être le plus élémentaire des élèves et l’accès à un enseignement de qualité pour tous, comme nous allons le voir ci-dessous plus en détails.
Contexte général des fusions universitaires en France :
Ce type de projet de fusion n’est pas nouveau dans le paysage politique Français depuis quelques années. Dans les grandes lignes il prévoit de créer une « Grande Université » qui suivrait un modèle « à l’américaine » et cadre ainsi parfaitement avec les désirs de l’establishment néo-libéral de notre pays qui désire réduire le nombre de facultés existantes en France. L’objectif affiché étant de créer ainsi des « pôles d’excellences ». Ces pôles, qui dans leur esprit, seront autant d’Harvard et Oxford en puissance, qui se hisseraient alors en tête du fameux « Classement de Shanghai » (pourtant fort critiqué et critiquable : https://regulation.revues.org/9016) qui semble alors se transformer aux yeux des directions en Saint Graal, seul et unique objectif qu’il serait bon d’atteindre en enseignement. En échange de la proximité des élèves de leur lieu d’enseignement et de leur faculté à y accéder ? On dirait bien …
Bien entendu, tout ceci passe sur le fait que bien peu de ces « pôles d’excellences » survivent dans les pays soumis à ce modèle, à côté desquels vivotent de nombreux « Community College », des facultés « pour pauvres » avec des moyens ridicules et un niveau d’enseignement bien faible. Ce système pérennisant ainsi une nette séparation de classe entre « riches » pouvant se payer des études supérieures de haut niveau et « pauvres » n’ayant accès qu’a des structures qui ne sont là, en essence, que pour fournir de l’intégration professionnelle dans les postes de « bas niveau ». Le meilleur des mondes dans toute sa splendeur. Un modèle qui, pourtant, fait pétiller les yeux de bien des administrations d’enseignement et recherche françaises, retenant avec difficulté leur salive tombante devant les crédits ahurissants et la santé économique « mirobolesque » de ces quelques centres « pour riches ».
Bien entendu l’objectif réel (et fort mal caché) de ces projets de fusion en France, est, lui, de livrer l’enseignement public aux gros « business men » de l’éducation. Car là où il y a domaine public il y a potentiellement des sous à soutirer aux citoyens lors de la privatisation. Rien de nouveau, la même stratégie est actuellement appliquée au domaine de la santé publique (mes connaissances chez les gros assureurs privés m’assurent qu’en interne on se retient avec difficulté de déboucher le champagne tous les midis, gageons que les chez les gros ténors de l’éducation privée on assiste au même phénomène).
Finissons ici pour l’aspect général de la situation. Dans le cadre national plus particulier, il faut savoir que l’un des endroits dans lequel l’état a mis le plus de sous pour créer un « pôle d’excellence » est Saclay, qui lui a coûté des Milliards. Mais pas de bol, plusieurs instances de Saclay (notamment Polytechnique : « X ») opposent une ferme résistance à une fusion qui ne serait en rien un point positif du point de vue des élèves.
Je ne vais pas rentrer dans les détails du cas de Saclay ici, mais actons que cette résistance existe et qu’elle a notamment abouti à l’effondrement du projet de fusion initial. Vous trouverez les raisons précises présentées sur BFM par le directeur de l’association des anciens élèves de polytechnique qui fait notamment référence à la stupidité du classement de Shanghai comme seule jauge de « l’excellence ». ( http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/pourquoi-polytechnique-a-t-elle-refuse-le-projet-de-pole-de-recherche-technique-et-scientifique-a-saclay-2610-995973.html )
Ces petites résistances dont polytechniques n’est que la couche la plus visible, posent quelques soucis au gouvernement. Sa tactique étant en effet d’aller très vite : la fameuse « Blitzgrieg » des libéraux dont les ordonnances en est le principal symptôme et qui vise à tétaniser la population par des réformes trop rapides pour laisser le temps à la riposte de s’organiser.
Objectif : créer un état de fait qui laissera tout le monde sur le carreau et qui nécessitera ensuite d’être défait, ce qui a tendance, évidemment, à démoraliser tout mouvement de résistance (voir le cas de la Sorbonne obligée de penser la déconstruction de la fusion : https://www.servicepublicenseignementsuperieur.fr/newpage) et à laisser dans son sillage de nombreuses personnes lessivées scandant comme un mantra pour se rassurer « laissons une chance à ce nouveau système, au cas où ». Le tout assurant à la fin un net avantage (on l’espère temporaire) à cet assaillant de notre modèle social. Notons que cette situation existe uniquement du fait de la capacité de l’adversaire à violer les règles morales les plus élémentaires, telle que la consultation démocratique …
C’est ainsi qu’obéissant à ce dogme stratégique l’état a décidé d’accélérer le mouvement de fusion/suppression des pôles universitaires de France en attribuant des crédits aux bons élèves motivés (Saclay ne les a donc pas eu, fort logiquement et reste en « période probatoire », histoire de leur rappeler qui est le patron : https://www.usinenouvelle.com/article/idex-ou-i-site-quelle-universite-a-obtenu-quoi.N509359).
Cergy-Pontoise s’est ainsi vu attribuer l’un de ces projets I-SITE sous le nom « Paris Seine Initiative ».
Le projet I-SITE et ses conséquences sur Cergy-Pontoise :
Ce projet a vocation à fusionner la totalité de l’enseignement supérieur public de Cergy-Pontoise : l’ENSEA, l’UCP (Université de Cergy Pontoise) ainsi que des écoles privés (EISTI), le tout en « partenariat » avec la fameuse école privée de commerce « l’Essec » (Dont notre ministre de l’éducation était président). Jusqu’ici on ne voit certes pas où est le mal, mais le diable est dans les détails.
Détails, qui de façon fort opportunes, se sont révélés inaccessibles au public et inaccessibles aux rédacteurs initiaux du projet à l’UCP ainsi qu’aux conseils d’administrations de ces institutions, notamment de celui de l’ENSEA, qui était et reste l’une des instances les plus « froide » vis-à-vis de ce projet (en opposition avec sa direction, donc). Pendant un an d’inaccessibilité (dossiers sensibles disaient-ils), certains ont donc commencé à soupçonner qu’il puisse y avoir anguille sous roche.
Il faut savoir à ce stade que ces documents sont censés être accessible au public et que ce camouflage est alors fait en toute illégalité. On reconnaît ici la fameuse tactique Blitzgrieg « ordonnance macron » décrites plus haut, dont le pré-requis de fonctionnement est de jeter son éthique aux orties pour se permettre de violer toutes les règles de consultation démocratique.
Pendant un an les choses en sont donc restées là, mais, coup de théâtre, le syndicat SNESUP de l’ENSEA a réussi, en recourant à la Haute Autorité Pour La Transparence à obtenir les détails du projet « par la force », si on peut dire. Notons ici que seul la moitié des documents leur a été remis et que les directions de l’ENSEA/UCP/EISTI semblent donc encore être dans l’illégalité la plus totale en gardant le versant économique du projet sous scellé. Évidemment, le fait même qu’ils continuent à se placer dans l’illégalité pour conserver le secret autour de certains documents « publics » laisse songeur sur leur contenu.
Sur la partie dévoilée néanmoins, le SNESUP de l’ENSEA a pu construire un long rapport argumenté d’environ 15 pages (ci-joint, ou disponible ici : http://cpc.cx/kJM ), que je vous encourage vivement à lire tant ce qu’il révèle est énorme, dangereux et doit nous emmener à réagir au plus vite.
En résumé, les documents dévoilés nous montrent une tactique très similaire à ce qui se passe au niveau national : une fusion extrêmement rapide, imposée par le haut, qui fait tout pour contourner les instances existantes. Les détails de la fusion sont tout à fait dans la ligne de l’état de l’attaque au niveau national et révèle un assaut du privé d’une ampleur sans précédent.
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Coté Université : Une séparation entre « Graduate » et « Undergraduate » (notons ici le vocabulaire anglicisé très prisé par les libéraux). La partie Graduate sera constitué des « Master » et sera soumise à sélection des étudiants. Elle aura également des prix d’entrée qui pourront être très élevés (les documents financiers étant secret difficile d’avoir une estimation, on a parlé pendant un temps de master à 9000€… à confirmer). La partie « Undergraduate » sera, dans le projet, constituée des filières « non excellentes », les licences et les DUT. En théorie, dans le projet elle ne serait pas soumise à sélection. Néanmoins comme au niveau national le gouvernement est actuellement en train de revoir tout le système BAC on peut sans trop prendre de risque hasarder que cet état de grâce ne sera que très temporaire.
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Coté école d’ingénieur : l’ENSEA (école publique) et l’EISTI (école privée) vont fusionner dans une branche de la grande université qui sera nommée (« school of engineering»), cela aura pour effet direct de faire disparaître la notion de « public » de cette école résultante et demandera à l’ENSEA de compenser par une augmentation considérable de ses tarifs. (On parle de 2500€ minimum, contre ~610 actuellement comme pour les universités (redevance universitaire)).
Tout ceci étant déjà hautement critiquable en soit, le pire reste malheureusement à venir, car ces documents nous dévoilent surtout la nature du partenariat avec l’ESSEC. L’ESSEC, qu’on ne présente plus, est l’un des bastions de l’ultra-libéralisme et des « sciences » managériales modernes. Il s’agit aussi avant tout d’une école privée dont le directeur précédent a été débauché, fort logiquement, par le gouvernement des « En Marche » pour occuper le poste de ministre de l’éducation. On peut alors comprendre que cette école aie une place toute particulière dans le projet éducatif tel que conçu par le gouvernement actuel.
L’analyse des documents montre l’étendue de la prise de pouvoir de cette école privée sur l’enseignement de Cergy-Pontoise. L’ESSEC ne fera pas partie de la grande fusion (sans doute trop plébéienne) mais tient tout de même à mettre ses doigts dans le dossier. De source interne on révèle que l’ESSEC a en effet payé rubis sur ongle des experts pour réécrire l’intégralité de ces fameux documents camouflés. On comprend mieux la rétention d’information …
C’est ainsi qu’on apprend que cette future université combinée sera en fait sous la direction effective de l’ESSEC. Doté d’une structure qui emprunte à la gestion des grandes entreprises, mais dont on aurait purgé tous les contre-pouvoirs, l’université résultante se verra dirigée d’une main de fer par diverses instances détaillées dans ce rapport, Instances dans lesquelles l’ESSEC occupera une place privilégiée et croissante d’année en année. Les contres pouvoirs démocratiques tel que les comités d’administration se verront complètement supplantés par les administrateurs de l’ESSEC dans les prises de décisions. Tout ceci alors même que l’ESSEC ne participe pas à la fusion, il faut le rappeler et reste … Indépendante. Ou comment avoir le beurre et l’argent du beurre.
En résumé : l’ESSEC ainsi que les partenaires privés dirigeront quasiment totalement l’université résultante. Tout ceci en échange du « nom » de l’ESSEC (« Université Paris Seine ESSEC » probablement) afin de « rayonner à l’international ».
Nous assistons donc a un putsch extrêmement rapide, décisif, et camouflé en haut lieu, d’instances privées sur l’enseignement supérieur public de Cergy-Pontoise et à une purge de tout reliquat démocratique dans cette fusion. Tout ceci avec la bénédiction du gouvernement.
Ceci va avoir un impact très rapide sur les étudiants et futurs étudiants de l’agglomération, puisqu’on parle de 2018 pour le début des fusions. La situation est donc plutôt catastrophique. Car outre les augmentations énormes de frais d’entrée qui sont à prévoir, qui conduiront les étudiants futurs à abandonner les études supérieures ou à prendre des emprunts, rien ne dit que les décisions de l’ESSEC sur l’université combinée se feront dans un esprit d’amélioration de la qualité de l’enseignement et du bien être des élèves. Tout laisse en fait supposer le contraire.
La petite mafia LREM locale ?
Quelle non surprise de trouver derrière toutes ces embrouilles un ensemble de directions très liées à la « France En Marche », on peut déjà noter le poste de ministre de l’éducation du directeur de l’ESSEC, mais il est également bon de savoir que le directeur de l’Université de Cergy Pontoise, François Germinet, est aussi l’un de ses meilleurs amis … La bonne affaire quand il s’agit de négocier la passation de pouvoir du public vers le privé. Ce conflit d’intérêt avais lui avais d’ailleurs valu quelques résistances internes et articles de presse lors de son appel à voter Macron… (http://www.leparisien.fr/val-d-oise-95/universite-de-cergy-le-president-appelle-a-voter-macron-les-etudiants-divises-04-05-2017-6917442.php)
Coté ENSEA c’est plus léger puisque la direction n’est « que » ouvertement pro LREM, et qu’au niveau direction de l’un des laboratoires majeur à cheval sur l’ENSEA et UCP (laboratoire ETIS) on se retrouve à découvrir des liens avec la fameuse députée LREM de la Circonscription 1 du val d’Oise, Mme Muller-Quoy, qui viens de voir son élection invalidée. (http://www.leparisien.fr/pontoise-95300/premiere-circonscription-du-val-d-oise-l-election-de-la-depute-lrem-isabelle-muller-quoy-annulee-16-11-2017-7396965.php)
Tout ceci, en plus du camouflage des documents, jette un voile de doute quant à la neutralité politique des directions impliquées dans ce projet, doute qu’il semble difficile ici de ne pas mentionner. Ne serait-on pas ici dans un cas de conflit d’intérêt global entre la défense des intérêts des élèves, des institutions privés locales et de l’exécutif gouvernemental de la « république en marche » ?
Il semble légitime de s’interroger.
La Lutte
Outre le fait qu’il faille, de toute manière, en informer au plus tôt le maximum de personnes (élèves, parents, mairies etc…) en transmettant ce rapport dans toute l’agglomération, il reste également un espoir de paralyser ce projet, le Conseil d’Administration de l’ENSEA n’ayant en effet pas encore validé ce projet et y étant pour le moment opposé. C’est donc à l’ENSEA que certains d’entre nous tenterons de ralentir au maximum la chose,
Du point de vue des Insoumis et de toutes autres personnes désirant rejoindre la lutte pour sauvegarder ce qui peut l’être à se présenter aux réunions insoumises du samedi matin au café Colombia, pour se coordonner, faire un point etc… Nous serons également là pour répondre à vos questions si vous désirez plus d’information.
Nous sommes en train de structurer la résistance contre ce projet et de construire les canaux de communication qui vont bien. Nous vous tiendrons alors informés.
En attendant je vous invite chaudement à transmettre au plus tôt ce rapport du SNESUP ou cet article à toutes les personnes que vous connaissez en liens avec l’enseignement supérieur à Cergy-Pontoise, à tous les élèves, parents d’élèves, enseignants, etc. faisant parti de vos connaissances. Ce rapport peut également fortement intéresser les maires de l’agglomération. Je vous invite donc à le transmettre à votre mairie ou à toutes personnes que vous connaîtriez en lien avec les instances démocratiques locales de l’agglomération (qui peuvent avoir leurs mots à dire).
Il faut bien comprendre que nos chances de gagner sont minces, mais on peut à tout le moins informer les élèves et tous les concernés pour qu’ils comprennent ce qui se passe et s’impliquent dans les diverses formes de résistances locales contre ce projet.
Toute résistance dans cette bataille sera bonne à prendre dans un combat pour l’éducation qui prends une ampleur nationale. Toutes personnes informées supplémentaires est une petite victoire.
Bref, je vous encourage donc malgré tout à nous rejoindre et à y mettre toute votre énergie 😉
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